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INSTALLATION

DE MEREDIEU Florence, "Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne et contemporain", Larousse, 1994, 2004, 2017, 751 p.
p.609 "Habiter l'image"
Bill Viola : "Vous êtes directement à l'intérieur - plus : vous êtes dans la pièce, dans l'image qui est projetée sur vous et qui tourne autour de la salle. C'est comme un plongeon dans l'eau : pour voir l'œuvre, il faut se mouiller." A propos de sa pièce "Récit tournant lentement", 1992
Rebecca Horn : "" Être-placé-au-milieu", sentir la concentration des autres sur son propre corps, donne le sentiment de passer par un rituel d'initiation."

Georges Didi-Huberman écrivait dans "Devant l'image" : se situer par rapport à l'œuvre d'art dans un état de contemplation conduit à l'envisager comme une mince surface (le plan) susceptible de receler à l'arrière-plan (et dans cette autre dimension que constitue l'invisible) promesses et secrets. L'œuvre était alors pédagogique (frise dans les cathédrales) ou mystique (fresques couvent de San Marco Florence Annonciation de Fra Angelico cellule n°3). Cette contemplation en retrait, qui fait du spectateur une sorte de moine laïc, a aujourd'hui basculé. Il s'agit maintenant d'habiter l'image.Les environnements et les installations confrontent le promeneur à des sortes d'habitacles qui s'éprouvent de l'intérieur.
L'immersion dans l'œuvre est aujourd'hui la règle. Le spectateur est aspiré par une multitude de sensations, pas seulement visuelles, mais également tactiles, synesthésiques, auditives. Le système de l'immersion culmine dans le dispositif dénommé "The Cave" au début des années 1990. C'est une chambre optique qui présente des images de synthèse 3D en mouvement. Muni de lunettes restituant la sensation du relief, le visiteur peut s'orienter dans l'image en manipulant un levier relié à des ordinateurs. On pénètre à l'intérieur du paysage, on le fait évoluer, on se déplace dans l'image. Il s'agit d'un univers artificiel procurant toutes les sensations d'un univers réel. Les sensations qui en résultent sont tout aussi authentiques.
Jeffrey Shaw, Agnes Hegedus et Bernd Linterman ("Configuring the Cave", 1996) et Maurice Benayoun ("World Skin", 1997) ont eu recours à ce dispositif pour leurs installations.

La frontalité picturale a longtemps été associée à la notion de distance. L'immersion nous plonge aujourd'hui à l'intérieur même du volume de l'installation. Le spectateur est enveloppé par elle, immergé parfois au sens propre du terme comme dans les piscines de James Turrell. Entre ces deux pôles de la mise à distance et de la totale immersion tous les systèmes intermédiaires peuvent être imaginés. De la frontalité des murs de Jeff Wall aux installations closes de Marie-Jo Lafontaine ("A les cinco de la tarde", 1984) ou de Mona Hatoum ("Corps étrangers" 1994), de Bill viola ("chambre pour Saint Jean de la Croix, 1983).
Trois éléments concourent au sentiment de l'enveloppement (ou de l'immersion) : la grande taille de l'image, la clôture du dispositif et l'atmosphère lumineuse qui baigne le spectateur.

Conçus pour des murs incurvés et se déployant dans un large espace, les Nymphéas de Monet peuvent être considérés comme la toute première "installation" procurant une sensation d'immersion.
Les installations molles et sensuelles d'Ernesto Neto amènent aujourd'hui le visiteur à pénétrer réellement et physiquement au cœur de ses œuvres comme au sein d'un organisme vivant. ("Juste comme des gouttes de pluie", 2002).

Préhistoire de la notion d'installation : du présentoir à l'habitacle.
Michel Foucault, sur les Ménines de Velasquez : "...Le conseil que le vieux Pacheco avait donné, parait-il, à son élève [Velasquez], lorsqu'il travaillait dans l'atelier de Séville : "L'image doit sortir du cadre".
Les crèches et les tableaux vivants des églises faisaient tableaux et pénétraient l'espace environnant. Tout ce qui, ensuite, relève d'une forme de théâtralisation des arts plastiques aura contribué, dans le cours du XX° siècle, à la mise en place des éléments que l'on retrouve au sein de ce que l'on nomme aujourd'hui installation. Celle-ci se présente, dans tous les cas, comme une sorte de chambre sensorielle, comme un espace au sein duquel le spectateur pénètre pour faire une expérience esthétique originale. L'étroite mise en relation des éléments de l'installation est capitale. La prégnance des installations de Barbara Kruger (lettre typographiques) et de Yayoi Kusama (pois ou points) tient à la présence de pattern forts et répétitifs. La couleur rouge renforce le sentiment de forte sensorialité qui s'empare du visiteur .


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