BOSSEUR Jean-Yves, "Vocabulaire des arts plastiques", Ed. Minerve, 2008, 2014, 2018, 226 p.
A la fin des années 1960 se développe aux Etats-Unis le mouvement du Land Art, une réflexion sur le paysage hors des lieux artistiques. Heizer, Long, Smithson utilisent des matériaux appartenant aux sites investis. Avec Christo, De Maria, les œuvres intègrent des éléments étrangers à l'environnement. Les interventions s'accompagnent de dessins, de textes ou de photographies qui témoignent de la démarche poursuivie et représentent une mémoire des œuvres réalisées.
Richard Long, "Five Six Pick Up Sticks", 1980, in R.H. Fuchs, "Richard Long", New York, Solomon R. Guggenheim Foundation, 1986, p.236 : "J'aime la façon dont le degré de visibilité et d'accessibilité de mon art est contrôlé par les circonstances, et aussi le fait qu'il peut être public ou privé, possédé ou non." (...) "Mon oeuvre est réelle, ni illusoire ni conceptuelle. Elle traite des pierres réelles, du temps réel, d'actions réelles."
Christo et Jeanne-Claude de Guillebon : "Nos projets sont des œuvres d'art "in situ", ce ne sont pas des objets transportables. D'habitude une sculpture normale, qu'elle soit classique ou moderne, a son propre espace physique D'une certaine façon, cet espace appartient à la sculpture car il a été préparé pour elle. Nos projets touchent une sensibilité plus vaste, en fait, ils s'approprient ou empruntent des espaces qui habituellement n'appartiennent pas à la sculpture." "Petit dictionnaire des artistes contemporains", p.58.
Richard Serra engage un dialogue avec l'environnement : "Que le procédé technologique soit apparent dépersonnalise et démystifie l'art du sculpteur auparavant idéalisé et désormais exclu du royaume fictif du "maître". J'aimerais que tout le monde ait la possibilité de regarder l'œuvre. L'évidence du procédé devient alors partie du contenu. Il n'en constitue pas le contenu pour autant mais il est visible et accessible à quiconque est curieux de cet aspect de ma méthode de travail [...]. La question est alors de savoir comment elle modifie le site, et non l'image du créateur. (...) Mes œuvres ne décorent, n’illustrent ou ne dépeignent jamais un lieu. [...]
L'étude préliminaire prend en considération non seulement les caractéristiques formelles mais aussi sociales et politiques du lieu. Ces œuvres constituent invariablement un jugement de valeur sur le contexte social et politique dont elles font partie. Construites sur l'interdépendance entre elles-mêmes et le site, elles interpellent le spectateur de façon critique sur le contenu et 'espace du site." (Conférence à l'université de Yale, in "Art en théorie", 1900-1990, pp. 1225-1226)
Agnes Denes introduit des paradoxes entre le lieu investi et les phénomènes naturels qu'elle met en œuvre. En 1982, elle réalise le projet Wheatfield - A Confrontation qui consiste à planter, entretenir et moissonner un champ de froment près du World Trade Center : "Wheatfield est né d'une idée toute simple. On pénètre dans la terre, on met son idée en germe et on la laisse croître, se développer et porter ses fruits. C'est la création et c'est la vie. C'est simple, et cependant on a tendance à oublier les processus fondamentaux. Ce qu'il y avait de différent à propos de ce champ de blé, c'est que la terre n'était pas un terreau fertile, mais celle d'une décharge pleine de tuyaux rouillés, de gros rochers, de pneus, de pardessus. Ce n'était pas de la terre d'agriculteur, mais plutôt le prolongement d'un centre ville avec ses embouteillages et ses parcelles de terre valant leur pesant d'or, où soufflaient de dangereux vents de travers. L'absurdité de ce projet, les risques que nous avons pris, toutes les dures épreuves que nous avons connues faisaient partie du concept fondamental. Aller au plus profond, voilà ce dont il s'agit dans l'art. ("Wheatfield-A Confrontation", Ithaca, New York, Herbert F. Johnson Museum of Art, Cornell University, 1992, p.118.)