Duchamp ébranle la tradition artistique : il transgresse la limite entre l’art et la vie. Il qualifie la peinture de trop rétinienne, trop systématiquement rattachée à la sensation. Il utilise des matériaux incongrus (le verre, l’air, la lumière, le caoutchouc, le sucre mais aussi l’espace, la vitesse, le langage…) mettant en cause les relations du spectateur à l’œuvre. Selon lui, le programme, le projet, l’intention devrait sous-tendre toute proposition artistique. La matière est affinée et dématérialisée, devient un support conceptuel. Inversement, il utilise l’objet de l’industrie pour le détourner. “Le Grand-verre” est un moyen d’accéder à la pensée de l’artiste. Rien de matériel, sensuel. C’est une forme d’ascèse sensorielle qui considère la matière par transparence et en FILIGRANE.
Florence De MEREDIEU, "Duchamp et l'invisible" p.54, in “Histoire matérielle et immatérielle de l'œuvre d'art”, Larousse, 2017 (1994), 751 p.