SOURIAU Étienne,"Vocabulaire d'ESTHÉTIQUE*", PUF , 1990, 1408 p.
Le mystérieux est une catégorie artistique, avec un effet attractif puissant.
Pour qu'il y ait du mystérieux, il faut des signes visibles d'une présence invisible, quelque chose qui n'est pas connu, vu, expliqué mais dont on sent l'existence. Le mystérieux est présence de l'absent.
Le mystérieux attire, parfois par désir de connaître, parfois avec horreur ou angoisse. Le sentiment du mystérieux est celui d'une imminence, de quelque chose qui va venir : une aura.
Le mystérieux crée une immense attente : il grandit son objet, le magnifie. Il transfigure.
Pour ne pas décevoir, on ne peut pas préciser la nature de l'être mystérieux.
Extrait de la page 1105 : “Les arts plastiques disposent des jeux de l’ombre, des formes floues ("Le Poète et sa muse", de Gustave Moreau), des cadrages laissant en dehors du champ ce qui est pourtant posé par ce qui s’y trouve (vers quoi se dirige le Chevalier pour pouvoir passer impavide devant la Mort et le Diable, dans la gravure de Durer ?).
L'architecture dissimule et pourtant indique ce vers quoi elle mène, dans les couloirs qui tournent et retournent, les passages en chicane, et surtout les escaliers en spirale. La musique est mystérieuse lorsqu'elle cache ce qui est essentiel à son être ; par exemple, dans une musique tonale, il y a mystère quand le compositeur laisse une équivoque entre deux ou plusieurs tons ou modes (le passepied de la "Suite bergamasque" de Debussy).
Le mystérieux est une catégorie esthétique exigeante pour la question du point de vue : il nécessite un sujet partiellement connaissant, un objet partiellement connu et un obstacle qui empêche de connaître complètement."